Jean Guitton: Un siècle, une vie, Paris, Robert Lafont, 1988 (extraits)[382-4] Puis je lui [Paul VI] parlai de mes difficultés sur la liturgie nouvelle concernant l'Eucharistie et lamesse. 'La nouvelle liturgie, lui dis-je, est plus proche des origines, et par là elle nous rapproche desprotestants. Elle est œcuménique, mais peut-elle s'accorder avec les définitions du Concile de Trente sur lesacrifice de la messe, et n'a-t-on pas pratiquement renoncé à l'idée de voir dans la messe un sacrifice pour n'yconsidérer qu'une oblation? Cette question ne peut manquer de diviser les esprits. Dans le contexte actuel,l'aspect sacrificiel de la messe apparaît moins. Le Concile, par exemple, a dit: "La messe renouvelle la Cènedu Seigneur et rend son sacrifice sacramentellement présent".' Le pape se tut. Puis il me répondit: 'Dans letexte que vous citez, le mot sacramentellement ne signifie pas symboliquement; il signifie: réellement.Étudiez cela. Écrivez sur ce point. Je vous en fais un devoir de conscience.'Je me souviens d'une conversation pathétique, en septembre 1976, au sujet du problème d'Ecône. L'affaire deMgr Lefèbvre ne m'intéressait pas en elle-même: j'y voyais se poser une question fondamentale qui pouvaitmettre enjeu l'avenir de l'œcuménisme, auquel j'avais voué ma vie. Je disais au St-Père que je comparais MgrLefèbvre à Newman dans la première partie de sa vie. Alors, le futur cardinal considérait que leschangements introduits par Rome étaient des corruptions, parce que l'Eglise doit demeurer identique à elle-même, selon la règle de Vincent de Lérins, affirmant que la foi c'est ce qui a été admis par tous, partout ettoujours.Le pape m'interrogea sur les moyens de convertir les intégristes, en leur faisant entendre que Newman étaitpassé d'une position intégriste à l'idée du développement. Il me disait: 'C'est à vous de leur faire comprendreque les nouvelles dispositions du Vatican II ne sont pas des changements, mais au contraire qu'ellespréservent et qu'elles sauven...
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