Antonio Sicari: Thérèse d'Avila: l'expérience mystique au secours du dogmeCommunio 14/1 (1989) 91-107On ne peut pas oublier l'âpre climat de Contre-Réforme dans lequel Thérèse fut contrainte de vivre. Unecontrainte qui lui vient de l'Eglise traumatisée de son temps [un style subjectif, de repliement sur l'analyse deses propres expériences mystiques, fut imposé à Thérèse précisément par son adhésion objective à l'Eglise deson temps, c-à-d. par son obéissance aux confesseurs et aux docteurs qui l'examinèrent de façon répétée, enlui demandant des comptes-rendus toujours plus précis et minutieux, dans la crainte obsessive d'une illusiondiabolique ou d'une hérésie latente. Cela coûta d'indicibles souffrances à Thérèse]: il suffit de penser augrave épisode de 1559 quand le grand Inquisiteur Valdès mit à l'Index presque tous les écrits spirituels enlangue vulgaire (contraignant Thérèse à brûler toute sa petite bibliothèque), et à celui, encore plusdéconcertant, de l'examen inquisitorial auquel furent soumis, à Séville, Thérèse elle-même et tout sonmonastère, et à Madrid le livre encore manuscrit de son autobiographie.C'était l'époque où Melchior Cano, conseiller de Philippe II et de l'Inquisition, soutenait que divulguer enlangue castillane, pour le peuple et les femmes, les mystères de la foi, de la théologie et de la vie spirituelle,était "chose nocive au bien public": "Plus les femmes réclament avec un appétit insatiable de manger ce fruit(à savoir: la lecture de la bible!), plus il est nécessaire de le leur interdire et d'y mettre tout autour descouteaux de feu en sorte que le peuple ne puisse arriver jusqu'à lui". Ecrire un commentaire du Cantique desCantiques (oeuvre fondamentale de toute mystique) était une chose dangereuse pour une moniale du 16esiècle et coûta même des années de prison au Fray Luis de Léon.Malgré tout, Thérèse rédigea unos cuadernillos (quelques carnets) sur le sujet pour obéir à un confesseur etles brûla ensuite encore pour obéir à un autre confe...
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