Gérard Calvet: Demain la chrétienté, Gembloux, Dismas, 1986, 181p (extraits)[24] Les mystiques et les martyrs, tous épris d'une beauté absolue et sans voile, avides de connaître la suprêmeexcellence de l'Aimé, non pas indirectement, à travers le réseau de signes et d'images que tisse à nos regardsl'œuvre de sa création, mais dans la saisie directe - fût-elle obscure de sa mystérieuse transcendance, ce sonteux les pères de la chrétienté. Pourtant ils ont tous préféré la mort à la vie, la théologie du silence à lathéologie du verbe, l'anéantissement plutôt que la prospérité, contempler la lumière plutôt que scruter lesombres, demeurer en soi plutôt qu'explorer l'univers. Le moment venu, tous ont choisi de bondir de l'autre côtédu voile. Curieuse attitude pour des fondateurs de civilisation! Comprenons-les. A quoi bon, nous disent-ils,tracer des itinéraires lorsqu'on est parvenu au terme? A quoi bon organiser la terre quand on entend l'appel duCiel? Poser des questions quand on a reçu la réponse? Pourquoi utiliser la raison infirme qui fait le tour deschoses alors que l'amour, de son propre mouvement, pénètre tranquillement au cœur de la réalité?Si étrange que cela puisse paraître ce sont ces disciples d'une sagesse située au delà du temps qui ont le mieuxcompris les choses du temps; ce sont eux qui ont dessiné les traits essentiels auxquels on reconnaît la dignitéde l'ordre temporel et le sage gouvernement des nations: en regardant le Ciel, ils ont dessiné les jardins de laterre.[28] Seigneur, Vous êtes, à travers les créatures d'ici-bas, la seule réalité, la seule Essence, le seul Biensouverainement désirable: comment se fait-il que nous nous occupions d'autre chose que de Vous? Les grandssaints nous répondent qu'une âme qui ne désire pas Dieu est une âme malade. Avec sainte Thérèse d'Avila, ilsdisent: "Je meurs de ne point mourir"; avec S. Paul: "Je voudrais être délivré des liens du corps pour être avecle Christ... J'ai regardé toutes choses comme de la balayure à ...
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