Luc Gillon: Servir en actes et en vérité, Gembloux, Duculot, 1988[57-60] L'URANIUM DE SHINKOLOBWEDans le milieu de l'Atomic Energy Commission (A.E.C.) américaine, la petite Belgique jouissait d'une certaineconsidération en raison du rôle essentiel joué par l'uranium du Congo belge dans la découverte de l'énergieatomique. Plus de 80 % de ce minerai utilisé par les Etats-Unis pour fabriquer les armes terribles lancées sur leJapon provenaient de la mine de Shinkolobwe, exploitée par l'Union Minière du Haut-Katanga. Les jeunesphysiciens belges venus aux U.S.A. pour se spécialiser dans le domaine nucléaire bénéficiaient d'une sorte dereconnaissance de la part des Américains au courant de l'origine de l'uranium indispensable à leurs recherches.En réalité, l'U.M.H.K., lorsqu'elle entreprit l'exploitation du gisement de Shinkolobwe, une vingtaine d'annéesavant la guerre, avait eu seulement en vue de produire du radium à des fins de thérapie du cancer. Elleconsidérait l'uranium comme un simple déchet de fabrication. En ce temps-là, il n'existait d'ailleurs que très peude débouchés pour ce métal: des fabricants de couleurs trouvaient dans l'oxyde d'uranium un jaune citronéclatant, et quelques laboratoires se livraient à des recherches scientifiques nécessitant la consommation dequelques kilos d'uranium, et non de tonnes.La mine de Shinkolobwe présentait une caractéristique qui faisait d'elle un cas unique dans le monde: sonminerai, la pechblende, était incroyablement concentré en uranium. Dans la plupart des pays producteurs, on entrouve tout au plus quelques dizaines de kilos par tonne de minerai; il arrive même que des mines soientexploitées, en France ou en Suède p.ex., pour ne produire que 300 gr d'uranium par tonne de minerai.Shinkolobwe atteignait, quant à elle, des concentrations fabuleuses: durant toute la guerre, on parvint à yextraire de la pechblende donnant jusqu'à 800 kg d'uranium à la tonne, ce qui en vérité constituait de l'oxyded'uranium quasiment pur. Avant g...
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