Henri de Lubac: Catholicisme, les aspects sociaux du dogmeUnam Sanctam 3, Paris, Cerf, 1947Eglise et Corps Mystique: [pp.42-7] De même que la chrétienté n'est pas l'Eglise, l'Eglise en tant que visiblen'est pas le royaume, elle n'est pas non plus le corps mystique, bien que la sainteté de ce corps rayonne àtravers sa visibilité. Les 2 epithètes de 'visible' et de 'mystique' disent assez la différence. Une confusion vientici de ce que, dans la littérature théologique, ce même mot d'Eglise est pris en des sens plus ou moins larges1.Pendant longtemps la chrétienté elle-même, sous son double aspect et avec son double pouvoir, spirituel ettemporel, s'appela simplement l'Église. Le corps mystique est considéré tantôt dans son apparence imparfaiteet transitoire tantôt dans sa réalité toute spirituelle et définitive. D'où des propositions qui semblent au premierabord contradictoires. Car il y a lieu de distinguer, non sans doute 2 réalités sans rapports intrinsèques, maiscomme une double série de points de vue, dont aucun ne recouvre l'autre exactement. D'une part, l'Église est,au sens objectif, congregatio generis humani2, l'assemblée résultant de la réunion des peuples: ecclesia excircumcisione, ecclesia ex gentibus; d'autre part, c'est elle qui les convoque et est celle ex qua credunthomines. Elle reçoit le baptême ou au contraire le donne. L'unique image de l'épouse évoque 2 visionsinverses, toutes 2 fondées sur l'Écriture, toutes 2 maintes fois décrites: l'être misérable que le Verbe a pris enpitié et qu'il est venu, en s'incarnant, tirer de sa prostitution3; ou à l'inverse, la Jérusalem nouvelle, "épouse del'Agneau, descendant du ciel et venant de Dieu" [Ap 21:9; Gal 4:26].Fille d'étrangers ou fille du Roi. D'un côté on a un troupeau mêlé, un froment pris encore dans la paille4, unchamp où croît l'ivraie: corpus Christi mixtum5, arche contenant les animaux purs et les impurs; de l'autre, unevierge immaculée, mère des saints, née au Calvaire du côté ouvert de Jésus ou ...
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