Guy Bedouelle: La démocratie des religieux, Communio 21/5 (1996) 113-27Aristote a donné une forme célèbre à une classification des régimes politiques possibles: la monarchie,l'aristocratie. Chacun de ces genres peut engendrer une forme corrompue: la tyrannie, l'oligarchie et ladémagogie. Comme il existe plusieurs variétés à l'intérieur de chaque genre, Aristote est surtout sensible à lacombinaison possible des divers éléments qui ne se retrouvent jamais à l'état pur, et dont l'examen et lejugement constituent la science de la politique. Dans l'Eglise, pour le gouvernement des Ordres religieux, ilexiste aussi des systèmes différents. L'Ordre monastique est proche d'une monarchie abbatiale, tandis quel'organisation des jésuites a pu être comparée à un régime présidentiel. Les Ordres mendiants, en particulier lesdominicains qui leur ont légué leurs Constitutions, sont plus démocratiques. Mais il y a, comme dans ladescription aristotélicienne, à l'intérieur de chaque système, un mélange de différents éléments, c'est finalementle point d'équilibre qui pourra le définir analogiquement plus proche de tel ou tel modèle politique.L'élection des supérieurs et des responsables de l'institution abbatiale ou conventuelle est un principedéterminant de la vie des Ordres d'origine médiévale, mais on verra que, dans l'Eglise latine, il y a une rupturenotable entre les Ordres monastiques ou canoniaux dont l'origine s'enracine dans la tradition bénédictine d'unepart, augustinienne de l'autre, et les Ordres mendiants qui se forment au 13e siècle à l'époque où le droitcanonique écrit, issu du Décret de Gratien, est enseigné par les universités naissantes. L'organisation de laCompagnie de Jésus répond à une autre logique car, vue de l'extérieur, elle n'implique pas la vie commune oudu moins n'est pas déterminée par elle. Pour rendre justice à chacun des systèmes de gouvernements, il fautconsidérer: 1° la structure paternelle ou familiale permanente et assumée par chaque Ordre religieux. ...