Richard Cemus: La prière de Jésus, le Rosaire de l'Orient ChrétienCommunio 29/I (2004) 71-85Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la prière de Jésus n'est pas, dans l'Orient chrétien, la prière duSeigneur, le Notre Père, mais une antique invocation à Jésus1. Parmi les variantes textuelles2 de la formule, laplus connue aujourd'hui est: 'JC, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur'3. Les chrétiens d'Orient, en particulierles byzantins, récitent souvent cette prière à l'aide d'un chapelet constitué d'un fil de laine noué4. Les moines(y compris les évêques et les patriarches) le portent enroulé au poignet de la main gauche pour montrer qu'ilsse sont engagés à l'utiliser tout au long de leur vie. Si la prière de Jésus est désormais largement connue etpratiquée également dans l'Occident latin, c'est grâce aux Récits véridiques du pèlerin (russe)5 à son père spi-rituel. Ce livre d'un anonyme russe du 19e siècle fut traduit au cours du 20e siècle dans toutes les principaleslangues modernes.Dans la fraîcheur d'un récit autobiographique, la prière de Jésus y est présentée comme un moyen simple, ac-cessible à tous, y compris aux laïcs, d'atteindre cet idéal de vie spirituelle qui correspond à ce qu'on appellela prière continuelle ou prière du coeur. Môme si les Récits véridiques ne remontent qu'à la 2e moitié du 19°siècle, ils continuent la très ancienne tradition de l'Orient chrétien appelée hésychasme parce qu'elle cherchel'union à Dieu au moyen de la paix intérieure (grec: hesychia). On trouve une figure classique d'hésychasteen st Arsène qui, à la recherche de son salut personnel dans le vacarme de la ville, suivit la voix du ciel quil'avait averti: "Arsène: fuis, fais silence, tiens-toi tranquille (hesychaze)!"6Arsène ne fut qu'un parmi tant d'autres qui, à partir des 3°-4° siècles, décidèrent d'imiter l'exemple de St. An-toine, surnommé l'Abbé ou l'Ermite, pour se retirer au désert, laissant derrière eux la civilisation. Ils y étaientpoussés par le désir de simplif...
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