Les réductions du ParaguayEn attendant "notre bienheureuse espérance, la venue de notre grand Dieu et Seigneur Jésus-Christ", l'Églisecrée des institutions de paix et de charité qui, à partir du salut surnaturel, incarnent ce surcroît terrestrepromis à ceux qui cherchent d'abord la justice du Royaume; mais ces incarnations successives, dont une desformes majeures fut la chrétienté du moyen âge, perpétuellement s'écroulent et se dérobent; l'espéranceretourne au désert pour y rencontrer, dans la nudité d'un total dénuement, son époux, Jésus-Christ. C'est cettetension entre l'espoir que font naître les prémices du Royaume de Dieu sur la terre et l'espérance qui portesans cesse l'Église au-delà de ce monde-ci, vers un autre, caché.Le Paraguay, découvert par Sébastien Cabot en 1527, fut d'abord ensanglanté par les rivalités entreConquistadores; des expéditions guerrières où se heurtaient Espagnols et Portugais opprimaient etdécimaient les tribus indiennes; durant tout le 17e siècle, les tribus indigènes, chassées de régions en régions,étaient réduites en esclavage et brutalisées; elles connurent un nomadisme exténuant. Comme l'autoritépolitique en Amérique latine était le corollaire de la mission apostolique, ces expéditions devenaient unecaricature de croisade où les frontières du spirituel et du temporel étaient sans cesse confondues pour le plusgrand dam des Indiens. Pour mettre fin à cette situation sans issue, Philippe III d'Espagne chargea lesjésuites, en 1608, d'établir pacifiquement son autorité; ceux-ci, dépendant directement de la couronne, maisnon des colons espagnols sis aux alentours, fondèrent des centres d'évangélisation, les réductions duParaguay. Cette solution au problème des villages de mission commence à s'organiser au début du 17esiècle. Leur âge d'or va de 1650 à 1720, les réductions subsisteront jusqu'en 1767; elles furent transféréesalors au pouvoir des gouvernants politiques de Buenos-Aires.Les réductions étaient de gros villages (certaines attei...