Claude Dagens: Grégoire le Grand: un veilleur de Dieu à l'aube du Moyen AgeCommunio 8/6 (1983) 58-67G croyait assister à la fin du monde. Il ne vivait que la fin d'un monde et contribuait, précisément parce qu'ilprenait au sérieux les exigences eschatologiques dans leur radicalité, à la naissance d'un monde nouveau. Cettetransition culturelle peut nous servir aujourd'hui d'exemple.La fin du 6e siècle et le début du 7e constituent une époque de crise et d'effondrement, surtout à Rome et en Ita-lie. G (590-604) est intensément solidaire de cette crise qui semble détruire définitivement la société dont il estissu. Il pense même vivre des années de malheur qui précèdent la fin du monde, et, tout au long de son minis-tère de pape, il ne cessera pas de mettre ses contemporains en état d'alerte spirituelle. Cet homme, que l'on pour-rait considérer comme le témoin impuissant d'un monde qui s'achève, apparaît, avec le recul du temps, commel'un des pères fondateurs de la nouvelle civilisation appelée Moyen Age et qui s'épanouira plus de 2 sièclesaprès lui. On est sommes là devant un paradoxe étonnant: tout en vivant dans la souffrance les soubresauts d'unecivilisation qui semble disparaître, G a participé à l'enfantement d'un monde nouveau; pour une raison majeure:parce qu'il a interprété et vécu l'histoire désastreuse de son temps dans une permanente référence à Dieu, 'maîtredes temps et de l'histoire', et dans l'attente passionnée de son Royaume.L'Italie à la fin du 6e siècle: A tous égards, la fin du 6e siècle est marquée, en Italie et à Rome, par des boule-versements considérables. L'Italie se trouve de plus en plus livrée à elle-même, malgré la présence de garnisonsbyzantines à Rome, à Ravenne et à Naples. Les Lombards occupent le Nord de la péninsule, la Toscane et le du-ché de Bénévent: ils constituent pour Rome une menace permanente. Les guerres de reconquête menées par lestroupes de Justinien ont laissé le pays en ruines. A l'effondrement politique et à la misère éco...
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