Françoise Brague: Pourquoi nous devons apprendre à nos enfants à ne pas mentirCommunio 12/4 (1987) 40-9Comme toute mère de famille, j'ai à tenter de régler des problèmes de mensonge: essayer de démêler le vraidu faux dans les conflits entre enfants, trouver qui a pris l'euro qui restait dans mon portemonnaie, medemander s'il faut ou non dire que j'ai vu ou entendu ce qui se tramait derrière la porte. Mais cette fois-ci, lefait m'a paru plus grave, et plus topique. J'ai appris par des amis que, dans la classe de leur fille, la tricherieétait devenue une véritable institution. Les élèves, minoritaires d'ailleurs, qui refusaient d'entrer dans le jeuétaient méprisées par les tricheuses, même exclues du groupe, si bien qu'elles subissaient un doublepréjudice: être considérées comme de pauvres naïves et laissées pour compte, et obtenir de moins bonsrésultats, faute d'avoir le support des 'antisèches'. Cette jeune fille souffrait beaucoup de cette situation,ballottée entre le désarroi et la révolte.Qu'aurais-je fait à la place de ses parents? Même si d'emblée j'opte par principe pour la vérité, la question,dans la réalité, est moins simple. Nous vivons dans un monde où tous trichent avec les autres, eux-mêmes, etles 2 à la fois. Le modèle de la réussite humaine n'est-il pas celui de la réussite sociale ou politique? Nesavons-nous pas nous-mêmes nous servir, suivant le cas, de la vérité ou du mensonge pour parvenir à nosfins? Nous, adultes, nous savons que c'est la fin qui justifie les moyens, et qu'il nous faut parfois consentir àtromper pour ne pas être trompés. Le meilleur service que nous puissions rendre à l'enfant ne consisterait-ilpas, dans ces conditions, à lui ouvrir le plus tôt possible les yeux et à lui apprendre à s'y frayer le meilleurchemin possible?Pourtant nous détestons que nos enfants mentent. Nous avons le désir instinctif qu'ils apprennent à ne pasmentir, qu'ils respectent la vérité, quoi qu'il leur en coûte. Est-ce simplement pour qu'ils nous soient liv...