Rémi Brague: Les conditions d'un avenir, Communio 25 (2000) 113-24Implosion? Le 28.8.1968 le sociologue américain Philip M. Hauser lançait l'expression 'explosiondémographique' dans son discours du congrès de sa discipline à Boston. Il parlait de population explosioncomme d'un des 4 facteurs de la révolution dans la morphologie sociale. Il entendait par là “l'augmentationremarquable dans le taux d'accroissement de la population mondiale, spécialement pendant les 3 siècles de l'èremoderne”. Depuis lors, l'expression a connu un succès prodigieux, au point de devenir proverbiale. Or, lesdémographes de métier ont su dès le début qu'elle était fausse; ils sont de plus en plus nombreux à penserqu'elle est même le contraire de la vérité. L'idée d'explosion démographique est aujourd'hui enterrée, sauf chezcertains retardataires.Aujourd'hui, le modèle dominant est celui d'une transition démographique classique: la mortalité baisse, lanatalité baisse aussi puisqu'il n'est plus nécessaire d'avoir beaucoup d'enfants pour que le remplacement desgénérations soit assuré. L'impression d'une explosion du tiers monde vient de ce qu'un processus qui, enEurope, s'est déroulé de façon lente, séculaire, donc peu sensible, l'a fait ailleurs de façon soudaine: médecins etmédicaments venus d'Europe ont fait reculer brusquement la mortalité infantile, et les populations ont mis uncertain temps à adapter leur natalité aux besoins, en la réduisant. On arrivera finalement à une stabilisation de lapopulation mondiale, avec un taux de 2,1 enfants par femme, aboutissant à un ordre de grandeur de 10milliards.Ce modèle est le modèle officiel des Nations unies. Il est le plus diffusé, le plus soutenu financièrement etmédiatiquement par les organisations internationales. Certains démographes le contestent. Jean Bourgeois-Pichat, ancien directeur de l'INED, dans un article en 1988 dans 'Population', constate que les taux des payseuropéens semblent s'installer de façon durable au-dessous de ceux qui per...
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