Henri Hude: Dieu me jugera, Communio 10/1 (1985) 62-75Malgré les excès du juridisme, le jugement reste une exigence de la raison car c'est dans la raison que se jouela liberté de la conscience, mais aussi, paradoxalement, une exigence de la charité, car mon amour imparfaitrequiert d'être mesuré à l'amour parfait. Que signifie: 'Dieu me jugera'? Je chercherai davantage ce que peutêtre le jugement de condamnation que le jugement de glorification.Quelque disproportion qu'il y ait entre Dieu et la créature, c'est par les créatures et par les choses visibles, ditPaul, que nous apprenons à connaître ce qu'il y a d'invisible en Dieu (Rm 1,20). Je me limite ici à une seuleapplication de ce principe: quelque disproportion qu'il y ait entre le jugement des hommes et le jugement deDieu, c'est néanmoins par le jugement des hommes que nous devons apprendre à connaître le jugement deDieu.Jadis on se faisait de Dieu et de nos rapports avec lui une idée très juridique. C'est un christianisme un peudévié que celui où la miséricorde n'est pas présentée comme le plus admirable des attributs de Dieu; mais ilest difficile d'affirmer que les notions de droit, de juge, de loi, de sanction, de jugement, n'ont pas en Dieuleur répondant ni leur archétype. La bible est remplie de ces notions. Sans doute faut-il savoir la bien lire.Mais, à force de dire des mots qu'ils signifient tout autre chose que ce qu'ils semblent désigner, ne fait-on pasdu livre de vie du peuple chrétien la propriété des philologues?Nos concepts juridiques saisissent les aspects principaux d'une institution humaine et de son fonctionnement.Cette institution, au moins en sa fonction punitive, existe à cause des péchés, des délits et des crimes, contrelesquels il est nécessaire de protéger le corps social, en ne laissant pas les coupables jouir de l'impunité. Il n'ya pas en Dieu l'idée ou l'archétype du mal ou du péché car le mal n'est pas un être (Augustin, Confessions,contre les Manichéens). Mais réprimer et sanctionner ...