Albert Muller, s.j.; Nos responsabilités sociales, Paris, Spes, 1924 (extraits)51: Personne n'ignore le rôle de la finance dans la guerre hispano-américaine, dans la guerre russo-japonaise,dans les démêlés qui ont, peu de temps avant la guerre, divisé les États-Unis et le Mexique et livré ce dernierpays à une longue anarchie. Qui mesurera la responsabilité des magnats de la finance allemande dans la guerremondiale? qui dira la part des grands intérêts internationaux dans les complications de l'après-guerre? Onproteste à bon droit contre l'internationalisme ouvrier; mais on ne devrait pas oublier que l'argent, lui non plus,ne reconnaît pas toujours de frontières et n'a pas de patrie. Les collusions de tant d'industriels, de commerçants,de financiers trafiquant avec l'ennemi, n'ont-elles pas révélé, dans presque tous les pays alliés, combien souventl'intérêt l'emporte sur les devoirs les plus sacrés du patriotisme? Nous n'entendons certes pas généraliser cesconstatations douloureuses ni faire de l'exception la règle, maïs nous laissons à d'autres la naïveté de croire quetous les coupables ont été atteints par la justice de leur pays: les petits coupables, obscurs ou maladroits, ont étéchâtiés; les criminels de grande envergure, plus habiles et plus prudents, ont réussi à échapper aux poursuites etjouissent en paix du fruit de leurs opérations malhonnêtes,152: Libre au public confiant et crédule de faire crédit à ceux qui l'exploitent sans vergogne, de prendreaveuglément leur défense quand leurs manœuvres sont démasquées, de crier au socialisme chaque fois que desvoix s'élèvent pour réclamer des autorités publiques une surveillance plus vigilante des agissements du mondefinancier. A ce beau dévouement s'ajoute, bien a son insu, le mérite d'un parfait désintéressement, car lecapitalisme que nous prenons à partie ne connaît pas d'amis et n'épargne pas ses plus généreux défenseurs. Ilnous revient, à ce propos, un trait savoureux que J. Graham Brooks rapporte avec un malic...
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