Jean Guitton: Apprendre à vivre et à penser, Paris, Fayard, 1957Doit-on entendre par amour la tendance qui nous pousse à nous donner à un autre, à nous réjouir de son bien,à imaginer un tout dont on est seulement une partie et que la chose aimée en est une autre, ou seulement lefrisson de l'instinct vital? Dans le terrain du sexe, doit-on appeler amour ce mouvement qui nous porte à jouirdes êtres ou celui qui nous porte à nous sacrifier pour eux? Les spirituels avaient répondu à ce problèmelorsqu'ils avaient distingué 2 amours, et il avait fallu 2 mots. Il y a d'abord l'amour de concupiscence quiprend pour fin son intérêt, qui cherche la jouissance plus que la joie et qui, lorsqu'il s'applique à unepersonne, n'aime pas vraiment l'autre, mais s'aime lui-même à travers son commerce avec l'autre. Cettedéviation de l'amour n'est jamais plus manifeste que lorsque l'être aimé parle à nos sens, c'est pourquoi lemot de concupiscence a fini par désigner l'appétit déréglé du sensible. Mais cette manière d'aimer pour soi seretrouve dans tous les attachements. Une mère peut aimer sa fille pour les joies que celle-ci lui procure, pourla compagnie qu'elle lui tient et s'opposer à tout établissement. Un croyant peut aimer Dieu pour soi et nonpour Dieu, pour jouir d'un triomphe visible, pour l'avoir comme protecteur et comme vengeur; et, si ces biensviennent à défaillir (en temps de persécution ou de désolation intérieure), il cessera de croire. C'est son bienpropre qu'il aimait sous le nom divin.La dialectique: Pour Hegel, l'époque qui va de Louis XVI à Napoléon par la Terreur est une dialectiquevivante. On y voit le pouvoir royal donner naissance à son contraire, le pouvoir populaire. Mais, pour éviterune dispersion fatale, il faut que la négation se nie elle-même et que l'unité se reconstitue sous la forme d'unnouveau pouvoir synthétique, le pouvoir impérial. Il semble apparenté au monarchique: en réalité il procèdedu peuple, car il s'obtient non par une conséquence de la monarc...
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